Nous apprenons par la même occasion que ce
côté de mise à mort de l'homme extérieur
s'accompagne d'un aspect positif dans ce qui compose l'autre partie
de notre être, laquelle se nomme l'homme intérieur. Si
celui-ci est renouvelé pendant la lente agonie de notre
animalité (comportement de l'âme sans discernement
exercé), c'est de prime abord parce qu'il doit nouer un lien
étroit avec notre vie spirituelle. Sur notre schéma,
au-delà de la chair, nous constatons qu'il ne reste plus que
l'esprit qui s'étend jusqu'à la conscience, porte de
l'âme vers plus de lumière. L'homme intérieur
et le domaine spirituel peuvent donc être à
première vue confondus. Les Écritures
corroborent-elles nos dires? Regardons de plus près:
"Que le Père vous donne, selon la richesse
de sa gloire, d'être puissamment fortifiés par son
Esprit dans l'homme intérieur, en sorte que Christ habite
dans vos cœurs par la foi."
(Eph. 3,16-17)
"Or, l'enfant croissait et se fortifiait en
esprit."
(Luc 1,80)
Apprendre à rendre à Dieu un culte en esprit et en
vérité revient à développer son homme
intérieur. Celui qui ne jette pas tout son dynamisme dans
les apparences mais qui se conforme diligemment pour sa marche
quotidienne aux directives et aux éventuels reproches de son
œil intérieur, devient à coup sûr
graduellement sensible à la volonté de Dieu pour
lui-même; il a découvert un incomparable trésor
susceptible de s'embellir avec l'âge, car il déteint
désormais la clé de la science, le secret de la vie
par la foi et le moyen d'être agréable à son
Père.
"Voici, tu prends plaisir à la
vérité dans l'homme intérieur."
(Ps. 51,6)
S'il persiste à maintenir le cap malgré les
embûches du doute, du découragement et des forces
adverses, il verra alors son esprit s'affermir chaque jour
davantage -et donc le nouvel homme s'exprimer spontanément
à travers sa personne-, sans qu'il puisse en mesurer toute
la puissance et l'étendue. Et par la suite, durant le
restant de ses pérégrinations, ce n'est que de cette
façon qu'il aimera vivre pour le Seigneur.
"Car je prends plaisir à la loi de Dieu
selon l'homme intérieur."
(Rom. 7,22)
Armé de la sorte et s'il continue à faire preuve de
lucidité, ce chrétien finira par se rendre compte,
après une durée variable passée auprès
du Maître, que l'œuvre qu'il est en train de
bâtir est bancale. Bien qu'il puisse exercer un ou plusieurs
dons spirituels et porter du fruit qui plaît à Dieu de
temps à autre, il s'apercevra qu'en dépit des
années écoulées, son "moi, je" est encore bien
vivace, et même dominateur, et que ses innombrables
tentatives pour se corriger ou se vaincre soi-même se sont
toutes soldées par un échec. En sondant les
Écritures et en réfléchissant sur
l'expérience humaine, il aura à ce moment-là
l'intime conviction que si le salut est gratuit et simplement
reçu par la foi, la sanctification plus profonde, sans
laquelle aucun fils de la Lumière ne peut voir le Seigneur
grandir en lui, ne s'acquiert qu'à grand prix, qu'il est
donc vain de chercher à en raccourcir le délai et que
par conséquent, un sérieux remaniement devra
intervenir en son être avant qu'il parvienne un jour à
la mesure de la stature de Christ qui lui est départie et
qu'il puisse enfin déclarer, à l'instar de
Paul:
"Si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est
Christ qui vit en moi."
(Gal. 2,20)
Il y aura donc un jour dans la vie de ce chrétien où
il devra faire un choix, le choix de sa vie, que ni le Seigneur ni
les anges ne pourront faire à sa place, et qui le conduira
à laisser derrière lui son enfance en Christ, avec
toutes ses joies, ses bénédictions et ses
exubérances pour apprendre à ne considérer que
le point de vue de Dieu, aussi exigeant soit-il, jusqu’au
terme de son existence. Il faudra qu’il sache quitter la
montagne de la transfiguration pour rejoindre la morne
vallée, s’il veut suivre Jésus jusqu’au
bout et devenir un disciple accompli. Il faudra qu’il
comprenne que les réveils spirituels ne durent qu’un
temps, comme une onde à la surface d’une
étendue d’eau qui s’étend en
s’amenuisant jusqu’à disparaître, et
qu’aucun d’entre eux ne peut égaler en puissance
le Feu céleste qui fit naître l’Église,
ni même se substituer à l’enseignement de la
Bible relatif au renoncement à soi. Il faudra qu’il
arrive à se convaincre que les choses extérieures
(prodiges, miracles) ne sont que les signes d’accompagnement
des choses merveilleuses que l’Esprit opère en lui, et
qu’elles ne doivent en aucune manière
l’obnubiler au point de lui faire perdre de vue sa
responsabilité, qui consiste à réaliser la
domination absolue de Jésus-Christ sur son âme, pour
que le Seigneur puisse enfin agir librement à travers lui.
Prendre la partie visible pour le tout, c’est
s’enfermer dans ses idées sur ce que doit être
la vie chrétienne normale. Comme Abraham, qui obtint la
promesse divine après plusieurs mises à
l’épreuve, l’enfant de Dieu doit, lui aussi, dit
l’apôtre Paul, marcher uniquement "par la foi, et non par la vue".
"Cependant, ne vous réjouissez pas de ce
que les esprits vous sont soumis; mais réjouissez-vous de ce
que vos noms sont écrits dans les cieux."
(Luc 10,20)
Alors commencera pour celui qui aime Jésus plus que
lui-même, le chemin du calvaire, qui le mènera
jusqu’à la croix pour achever en lui les souffrances
qui manquent à Christ, afin que le Corps puisse grandir dans
la Vérité; alors sur ce sentier solitaire, bien
éloigné des futilités, du tintamarre et de la
perplexité du monde, brisé et confondu, il commencera
à voir clair en lui, à discerner la manière
dont le Seigneur s’y prend pour diriger son âme et
à comprendre dans sa pénombre la nature de sa
mission, avec pour seul apaisement intérieur durant la
progression de son difficile parcours, la satisfaction du devoir
accompli. Croire sans plus avoir le moindre appui, c’est
ainsi que la foi devient vigoureuse.
"il plut à l’Éternel de le
meurtrir; il l’a soumis à la souffrance... La
tristesse selon Dieu produit une repentance à salut dont on
ne se repend jamais... Il est vrai que tout châtiment semble
d’abord un sujet de tristesse, et non de joie; mais il
produit plus tard pour ceux qui ont été ainsi
exercés un fruit paisible de justice."
(Esa. 53,10; 2 Cor. 7,10; Héb.
12,11)
Jusqu’à quand? Tant qu’il portera un regard en
arrière et se plaindra de son sort, il saura qu’il
subsiste en lui des restes du passé et que l’abandon
à Christ n’est pas complet. Que restera-t-il de lui
après cet apprentissage? Sa vie, et rien que sa vie.
"Tu auras ta vie pour butin, car tu as eu
confiance en moi, dit l’Éternel."
(Jér. 39,18)
Pour connaître le mystère
de Dieu,
dans lequel sont cachés tous les trésors
de la sagesse et de la science. (Colo. 2, 2-3)