Chrétien signifie petit Christ ou celui qui a reçu
l’onction sainte. Un chrétien doit donc
refléter dans ses moindres gestes et ses plus petites
paroles la sanctification, ce qui revient à se poser la
question: Qui est baptisé "comme il faut"? La réponse
est évidente: Tous ceux qui ont été
transformés à l'image du Christ, afin qu’ils
soient en parfaite harmonie avec la présence du Fils de Dieu
en eux. Aussi longtemps que notre Père ne peut nous conduire
à sa guise, cela signifie que le baptême en Christ n'a
pas accompli toute son action sur les choses anciennes qui nous
font aimer la présente création et regarder en
arrière. Noé n’est pas sorti de l’arche
pour se changer les idées ni pour ramer afin
d’apporter sa modeste contribution au divin projet. Il a su
attendre le moment fixé par Celui qui l’avait
entraîné dans les éléments
déchaînés. Il en va de même pour nous:
Tant que nous sommes sur terre, au sein de l’abîme,
nous devons rester dans l’Arche, nous devons veiller à
demeurer en Christ pour voir l’action de la chair
disparaître en nous. Ce baptême n’est donc pas un
fait momentané; il s’étend sur toute la
durée de notre périple ici-bas, périple au
cours duquel nous entrons dans les réalités
spirituelles qui sont en Christ. Car pour balayer ce qui reste
encore du passé dans nos cœurs, il faut d’abord
que le Seigneur annihile toute méprise sur notre propre
état, une fois que nous sommes nés de nouveau. La
sanctification ne tombe pas du Ciel comme un éclair
après une ardente aspiration, comme beaucoup se
l’imaginent, mais elle est un long processus dans la
fidélité à Jésus. Voilà pourquoi
les apôtres durent suivre une sévère
discipline, la même que celle exigée dans
l’Ancienne Alliance, pour passer des prodiges à
l’obéissance totale, c’est-à-dire avant
de pouvoir exercer leur ministère sans faillir. Les
chrétiens inexpérimentés répugnent
à absorber cette nourriture, ils ne veulent avaler que des
douceurs, si bien qu’ils sont incapables d’endurer
l’opposition et de supporter l’attente d’une
réponse céleste après leur engagement. Ils ont
le génie de commettre les mêmes erreurs que leurs
aînés, parce qu’ils sont béatement
satisfaits de leur acquis. Dès qu’ils lancent à
Dieu leurs requêtes, ils exigent qu'Il les exauce au nom de
Jésus; dès qu’ils vivent la moindre
expérience négative, ils sont effondrés, alors
qu’ils ont une précieuse leçon spirituelle
à en tirer; dès qu’ils ressentent la
présence de Dieu, ils se voient déjà au
paradis et veulent y rester pour toujours, alors qu’ils
n’ont reçu qu’un simple stimulant
d’En-Haut; dès qu’ils parlent en langues, ils se
réjouissent d’avoir La confirmation de leur salut,
alors qu’ils se comportent comme Thomas, sans comprendre que
la foi bien assimilée consiste à suivre Jésus
jusqu’à la croix, comme le firent les apôtres
avant de se soumettre à l’Esprit; dès
qu’ils assistent à un rétablissement physique,
ils se persuadent de détenir La puissance spirituelle, alors
qu’ils ne font qu’opérer dans le champ visible
(Jean 4,48), sans saisir que la guérison des obscures
sinuosités qui pourrissent l’âme
(guérison éternelle et imperceptible aux sens
humains), est celle qui demande toute la mobilisation de
l’Esprit, car l’Évangile est La puissance de
Dieu (Rom. 1,16). Paul essaya patiemment d’expliquer aux
Corinthiens dans ses lettres qu’il faut toujours rechercher
l’approbation de Dieu et non se glorifier de ses largesses,
et surtout toujours se méfier des interprétations
particulières des uns et des autres, mais en vain, au point
qu’il décida de se rendre encore une fois chez eux
pour faire taire les habiles discoureurs (2 Cor. 13), parce
qu’ils étaient devenus revêches à son
égard, et donc un germe de division, un danger pour la
croissance spirituelle de cette église, qui avait pris
l’habitude de se détourner des choses invisibles qui,
seules, embellissent l’âme. Son message qui dit que
nous devons cesser d’être une citerne crevassée
en vivant comme le monde, afin que le règne de Dieu en
Jésus s’établisse au-dedans de nous, avait du
mal à passer. Dans quel baptême cheminons-nous? Dans
ceux des hommes, qui permettent au "moi, je" de s’emparer de
la première place grâce aux prédications
soporifiques, ou dans celui d’En-Haut, qui apprend à
mourir à soi pour laisser la gloire au
Ressuscité?
N’inversons pas l’ordre des priorités et sachons
rentrer en nous-mêmes pour ne plus être inconstants.
Car regarder au-dehors pour recueillir de la fraîcheur
céleste, c’est vouloir s’abreuver à une
source incertaine, c’est se comporter comme un infirme qui,
gisant aux pieds de Jésus, passe sa vie à observer
les milieux où se produisent des réveils et des
miracles, en se disant qu’il aimerait bien lui aussi
connaître quelque soulagement de l’âme et du
corps. Jésus est là, mais il ne L’entend pas;
Jésus veut le meilleur pour lui, mais il ne croit pas que
cela soit possible sans être plongé (baptisé)
dans un endroit où surgissent des signes de temps à
autre. Il n’arrive pas à détourner les yeux de
ce que reçoivent les autres, il s’apitoie sur son
sort, et son infortune perdure. Il ne comprend pas qu’il lui
suffit d’écouter Jésus et de répondre
à Son ordre pour être délivré de ce qui
le mine, se tenir droit dans la vérité et entrer dans
le repos qu’il cherchait tant à
l’extérieur.
Vous serez baptisés du
baptême dont moi je serai baptisé. (Marc 10,39)