Désireux de sonder également les profondeurs de l'être humain, certains sages se sont penchés sur l'homme. Diverses hypothèses en ont surgi, qui leur permettent aujourd'hui, après de patientes analyses, de dégager une satisfaisante vue d'ensemble de la structure et des principes directeurs de cette curieuse production du monde animé. Nous nous en tiendrons aux grandes lignes de leurs déductions en ne présentant qu'une synthèse des idées communément admises.
On peut rappeler courtement qu’après
s’être longtemps prosterné devant une collection
effarante de dieux pour accepter l’inexplicable,
l’homme a imaginé ces derniers millénaires le
concept d’un dieu unique et supérieurement fort pour
expliquer la survie incompréhensible d’Israël au
travers des persécutions que ce petit peuple a
endurées depuis son apparition. Des
générations d’Hébreux ont ensuite
vécu dans ce conditionnement, ont grandi avec
l’idée d’une mise à part pour leur dieu,
avec cette ségrégation perpétuellement
entretenue par leurs prêtres jusqu’à ce jour.
Mais lorsque retentit la trompette du renouveau au cadran des
adorations, la pratique religieuse de cette société,
jusque-là renfermée sur ses préceptes, trouva
un débouché. Une poignée
d’Israélites, tout juste une douzaine
d’intégristes avec à sa tête un
dénommé Jésus, en un temps où les
velléités d’un nationalisme
s’essoufflaient sous le joug romain, chercha à suivre
une voie inexplorée par ses pères pour établir
le règne de dieu, une de celles qui n’ont point
recours aux armes et à la violence. En étendant la
supposée bénédiction céleste -le
mystérieux bouclier protecteur des Juifs- aux autres
nations, en faisant partager aux étrangers le puissant et
surnaturel secret dont Israël se disait le dépositaire,
donc en ralliant à la loi divine gravée sur les
tables de Moïse tous les mécontents d’où
qu’ils viennent, ce groupuscule d’illuminés
pensait détenir la solution pour le changement durable,
croyait en sa bonne nouvelle, qui devait en finir avec la
succession des envahisseurs, instaurer la théocratie sur la
terre entière et faire éclater la gloire du vrai
dieu. Ce noyau dur de croyants s’inspira alors des rites
rabbiniques, fit de son rituel une religion universelle et eut
l’idée géniale de la proposer aux païens
comme une affaire exceptionnelle, sans produit toxique nuisant
à l’élévation vers le sacré,
puisqu’elle incluait gratuitement une assurance vie
après décès: elle garantissait un
séjour bienheureux dans la compagnie de Yahvé
à tous ceux et celles qui l’embrasseraient. Cette
transposition dans le futur d’un programme de
réjouissances égalitaire, qui hisse l’homme au
niveau du dieu biblique, avec son faible taux d’offrandes
ici-bas et son rendement avantageux pour l’au-delà, et
ce, que l’on soit affilié à une
communauté juive ou pas, se répandit comme une
traînée de poudre dans les contrées où
l’imaginaire était en panne
d’originalité. On ne peut que déplorer les
dégâts considérables que les sectes
chrétiennes ont fait subir au patrimoine de
l’humanité pendant le temps qu’a duré
l’expansion de leur foi, car le zèle de leurs
missionnaires s’est acharné à saccager toutes
les cultures et l’identité des peuples premiers, qui
ne demandaient qu’à vivre selon
l’héritage de leurs ancêtres. Tout
récemment, par la seule force de sa volonté,
l’être humain a réussi à surmonter son
addiction au monothéisme. Il a réalisé que la
Nature ne lui a pas donné un esprit de niaiserie pour
être dans la peur et sous la domination des colonisateurs de
droit divin assoiffés de conquêtes. Il a lentement
appris à ne considérer que les faits objectifs pour
asseoir sa destinée, et a pu s’élever ainsi
jusqu’à la plus noble des réflexions, à
la sage conclusion qu’il n’y a pas d’autre
vérité que celle que la Raison brode sur la base de
sa propre cohérence.
L’insensé dit en son
cœur: Il n’y a point de Dieu. (Ps
14,1)